Géraldine Breuil est la directrice commerciale et marketing de la Réunion des musées nationaux Grand Palais (Rmn GP) qui gère plus d’une quarantaine de boutiques de musées, dont celles du musée du Louvre et du château de Versailles. A l’occasion de l’ouverture de la nouvelle librairie boutique du musée du Louvre début décembre, elle nous livre ses trois secrets pour bien vendre dans un lieu culturel.

 

Architecture : prolonger l’émerveillement de la visite

« Une boutique de musée n’est pas n’importe quel type de boutique » commence Géraldine Breuil. Principale différence ? Elle s’inscrit dans un parcours de visite organisé qui a un début, un milieu et une fin. Cette visite est par ailleurs un moment attendu et organisé. Dans un site comme Le Louvre, c’est même une expérience unique dans une vie : « on ne visite pas tous les jours le plus grand musée du monde » ! Pour cette spécialiste du marketing, la conséquence est claire : « son emplacement doit s’insérer parfaitement dans la visite ». La jeune femme, au centre de la grande allée centrale menant au Louvre, s’explique : « de chaque côté de cette allée, librairie et boutique bénéficient du flux sortant de visiteurs ». Résultat : tout le monde passe devant les vitrines.

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Mais l’emplacement ne suffit pas : encore faut-il que l’architecture du lieu donne envie de s’y arrêter, tout en permettant un maximum d’interactions avec le visiteur. Pour cette nouvelle librairie boutique du musée du Louvre, la Rmn GP a ainsi fait appel à l’agence RDAI Architecture, lauréate de l’équerre d’argent 2014, qui travaille notamment pour Hermès. Conçue avec des matériaux nobles aux finitions soignées, ce magasin de 1 848 m² se veut résolument moderne, aéré et lumineux. Ses espaces ont été complètement refondus et son plafond s’éclairera fin décembre d’une canopée lumineuse. « Cette nouvelle librairie boutique doit refléter par son architecture le lieu d’exception qu’est le Louvre, et ainsi prolonger l’émerveillement de la visite ». Une exigence esthétique que la Rmn GP déploie aussi sur d’autres sites comme au château de Versailles, avec le recours au célèbre architecte Dominique Perrault, ou encore au Centre Pompidou, avec la prometteuse Marie Deroudilhe. « L’architecture est fondamentale : nous n’hésitons pas à recourir à nos talents nationaux ! »

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Souvenirs et beaux objets : des produits pour tous les profils

Mais l’architecture ne fait pas tout et si l’on peut rentrer dans une boutique par simple flânerie, on y vient surtout pour acheter. A la question du type de produits pertinents dans une boutique de musée, Géraldine Breuil préfère déjà nuancer. « Il faut d’abord dire qu’il n’y a pas une boutique de musée qui se ressemble. Chaque lieu a ses spécificités, ses thématiques et son public ». Cependant, il existe selon elle deux grands types de produits. D’abord, les souvenirs. « Du crayon Rodin ou mug Joconde, les produits souvenirs peu volumineux et à faible coût attirent d’abord une clientèle touristique, qui souhaite revenir de l’exposition avec un petit quelque chose pour soi ou à offrir ». Sur cette partie du catalogue, le panier moyen est de moins de 10 euros. Cette offre permet notamment de répondre à une clientèle très jeune (50% des visiteurs ont moins de 30 ans), extrêmement captive et qu’il faut attirer grâce à de nouveaux supports, des animations, des packagings attrayants etc.

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Deuxième type de produits, les beaux objets tels que les livres d’art, les reproductions de sculptures ou la joaillerie. Elle retient en particulier une tendance, celle du made in France. « Les gens sont près à payer un peu plus cher pour un produit de qualité réalisé dans l’hexagone qui incarne l’art de vivre à la française. C’est pourquoi nous développons régulièrement des partenariats avec de grandes maisons françaises comme Gien ou Bernardaud, mais aussi avec des créateurs moins connus qui illustrent le renouveau à l’œuvre en France en matière d’artisanat notamment ».

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Et pour cette catégorie de clientèle, plus exigeante, Géraldine Breuil mise tout sur les services. Elle cite bien sûr les services classiques de livraison, mais également ceux de détaxe pour les groupes, les possibilités d’impressions à la demande de chalcographies, les animations moulages, les signatures de livres en librairies etc. « Ces prestations doivent être délivrées avec le souci d’une relation client impeccable, qui passe notamment par une digitalisation des points de vente, une traduction des cartels et un apprentissage des langues étrangères, dont le chinois, par les vendeurs ».

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Pop up store et corner store : sortir des dispositifs classiques

Dernière grande tendance des boutiques de musées : le fait de sortir peu à peu des dispositifs « classiques ». La Rmn GP n’a pas attendu la tendance des pop up stores. Elle exploite depuis toujours des mini-boutiques éphémères, aux couleurs des expositions du Grand Palais, mais il s’agit d’aller plus loin et de proposer une offre de produits d’art en dehors des musées ou lieux d’exposition. Géraldine Breuil évoque ainsi la tendance au corner store, le « magasin du coin de la rue ». « L’idée est de sortir complètement la boutique du musée pour en faire un espace commercial à part entière ». Géraldine Breuil cite en exemple la librairie boutique du musée Picasso, véritable concept store dont l’offre s’inspire librement de l’œuvre et de la vie de Picasso, dans un esprit d’atelier. La Rmn GP va par ailleurs ouvrir très prochainement un second corner aux Galeries Lafayette, dans le nouveau duty free qui ouvrira en face du bâtiment Haussmann, et dans lequel seront proposés les best sellers des plus grands musées français. Ce concept s’adresse aux touristes internationaux. « Souvent, les groupes de touristes en excursion au musée ont un programme très chargé. Ils doivent suivre le guide et n’ont pas le temps de s’attarder en boutique. Avec ce type de dispositif, on arrivera à les capter plus facilement ». Il complètera un corner plus classique ouvert très récemment à la galerie des cadeaux des Galeries Lafayette.

 

Le mot de la fin ?

« Le digital est la nouvelle frontière à conquérir pour les boutiques de musées. Qu’il soit utilisé pour améliorer l’expérience-visiteur avec des concepts innovants comme des vitrines interactives ou pour doper les ventes e-commerce, il offre un relai de croissance important, même si le retour sur investissement est encore un peu difficile à évaluer ».