Explorer de nouvelles formes de financement, une nécessité pour les musées
Baisse progressive des subventions publiques, incitation à plus d’autonomie, concurrence mondiale et territorialisée… Aux yeux de Françoise Benhamou, Professeur d’économie à l’Université de Paris XIII et spécialiste de l’économie de la culture, l’heure est à la recherche de nouvelles formes de financements pour une grande majorité de musées français.
Les musées publics, équilibristes du budget
« Contrairement aux États-Unis, la France est majoritairement composée de musées publics », commence Françoise Benhamou. Cette spécificité de l’Hexagone, couplée à la volonté historique des pouvoirs publics de soutenir la culture, implique un important effort financier de l’État pour contribuer à la survie de ces structures.
En concurrence avec les musées privés, et depuis peu avec des Fondations, « dotés de beaucoup plus de moyens », et qui misent sur des collections propres, les musées publics doivent faire face à une baisse progressive des subventions accordées, et à une incitation à plus d’autonomie. « Beaucoup d’efforts de rationalisation de leurs dépenses ont été faits ces dernières années. » Outre la vente de produits dérivés et les recettes générées par la billetterie, les musées publics utilisent progressivement certains codes du privé. La spécialiste de l’économie de la culture cite l’exemple du Grand Palais ou encore du Louvre, qui proposent de louer leurs espaces pour l’organisation d’évènements. Des méthodes qui, certes, augmentent les recettes propres, mais qui ne permettent pas pour autant de s’émanciper totalement. Par exemple, le Centre Pompidou n’est « autonome financièrement qu’à hauteur de 28%. » Quant au Louvre, « 47% des dépenses nécessitent encore l’aide financière de l’État. »
Inventer de nouveaux modèles d’affaires, une nécessité
Pour Françoise Benhamou, deux choses sont sûres. Tout d’abord, le « coup de pouce du gouvernement » est essentiel face à la concurrence mondiale d’un côté, et locale de l’autre. L’acquisition d’œuvres doit bénéficier du soutien public, d’autant que les prix des œuvres sur le marché n’ont cessé de s’accroître, même si l’État ne peut pour autant « pas tout faire ». Les musées doivent inventer de nouveaux modèles d’affaires. Le digital, et les différentes plateformes de communication existantes, permettent de mieux faire connaître l’offre muséale et de toucher un public plus large, avec un impact bénéfique sur la fréquentation des établissements.
À l’international, certains musées misent sur des services gratuits comme la mise à disposition sur leur site Internet des images des œuvres en haute définition, et développent des activités commerciales annexes. Partout, les restaurants, très prisés des visiteurs, contribuent à « soulager » les comptes. Certains mettent l’accent sur la gastronomie, qui fait partie intégrante du patrimoine culturel d’un pays. Parmi les autres exemples mentionnés par Françoise Benhamou : boutiques, catalogues, nouveaux formats pédagogiques… « La boîte à idées est à peine ouverte ! »
Du soutien public au soutien du public
En plus d’inventer de nouveaux modèles d’affaires, « les musées doivent aussi explorer de nouvelles formes de financements. » Beaucoup moins fréquent qu’outre-Atlantique, le recours au mécénat est, aux yeux de Françoise Benhamou, un complément appelé à se développer. « La pratique du mécénat participatif va s’étendre. L’addition de petites sommes permettrait à de nombreuses petites structures de financer des projets et constituerait un apport intéressant pour les plus grosses. » Inspirée par cette idée, l’équipe du CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux a notamment conçu et mis en place en 2013 le « Ticket Mécène » : un don de 3€ minimum, en complément d’un billet d’entrée. Une véritable réussite qui a permis de réunir les fonds nécessaires à l’achat de l’œuvre « Understanding through peace » de Nicolas Garait-Leavenworth.
Le Louvre est lui aussi un habitué du financement participatif et l’intègre pleinement dans ses usages. Le prochain objectif du musée ? Réunir 1 million d’euros pour l’acquisition du livre d’heures de François Ier.
Outre l’aspect monétaire, l’appel au don permet la création d’un lien « très fort » entre le musée et son public. « La participation du public démontre une adhésion à l’institution et à sa politique d’exposition. C’est un signal, une relation affective qui se créé entre l’institution et ses publics. » Une véritable histoire d’amour entre les Français et leur culture, dont on peut espérer qu’elle se traduise par un soutien financier de taille.
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