Le catalogue Kiefer-Rodin s’annonce comme un succès. 288 pages co-créées en trois mois par Gallimard, le musée Rodin et leurs partenaires. Giovanna Citi-Hebey, éditrice chez Gallimard, Anne Lagarrigue, directrice artistique de la maison d’édition et Cyril Duchêne, chef du Service des boutiques et de la billetterie du musée Rodin racontent les coulisses de sa réalisation.

 « Dans 10 ans, on saura que Kiefer s’est confronté à Rodin »

Auguste Rodin et Anselm Kiefer ne semblaient a priori pas destinés à se croiser. Pourtant, à l’occasion du centenaire de Rodin, le musée Rodin a souhaité réunir les deux artistes à Paris jusqu’au 22 octobre 2017 et immortaliser cette rencontre dans un catalogue. « Dès le départ nous nous sommes adressés à un nombre restreint d’éditeurs, car nous avions une idée de catalogue assez précise », explique Cyril Duchêne. C’est la maison d’édition Gallimard qui remporte le marché. « Leur proposition de maquette sobre correspondait à notre approche. » À cela, s’ajoute la force du réseau de distribution de l’éditeur en France et aux États-Unis, l’exposition se poursuivant à partir du 17 novembre 2017 à la Fondation Barnes de Philadelphie.

Travaillé comme un livre avec des articles de fond et des reproductions, « le catalogue est un objet à part entière consulté à la fois par le public et les chercheurs qui aiment pouvoir profiter à la fois du savoir et de la relation physique à l’objet même », souligne Giovanna Citi-Hebey. « Dans 10 ans, on saura que Kiefer s’est confronté à Rodin ! » Le challenge du catalogue ? L’écriture à quatre mains. Celles du musée Rodin, de la maison Gallimard, de l’atelier Kiefer et de la Fondation Barnes.

 Un quatuor réussi

Tout au long du processus, à chaque acteur son poste. Les rédacteurs du musée Rodin ont préparé les textes sous la supervision de Véronique Mattiussi et la coordination de Jean-Baptiste Chantoiseau. « Nous faisions le lien avec la Fondation Barnes et l’atelier d’Anselm Kiefer puis envoyions nos propositions à Gallimard », se souvient Cyril Duchêne. De son côté, Gallimard retravaillait les textes et assurait le lien avec l’atelier pour la photogravure et la taille des images. » Des allers-retours quotidiens pour trouver le bon format et mettre tout le monde d’accord. « Heureusement, une relation très directe s’est rapidement installée entre le musée Rodin et Gallimard », explique Anne Lagarrigue. « C’est ce qui nous a permis de boucler le catalogue en trois mois… un vrai record ! »

Sur la partie graphique, le consensus est vite obtenu. Les quatre experts tombent d’accord sur la typographie et la mise en page. « Kiefer et Rodin sont deux artistes puissants. Il nous fallait donc exprimer cela avec sobriété et rigueur pour ne pas parasiter leurs œuvres », explique Anne Lagarrigue. Le choix se porte donc sur un bloc franc, une reliure nette avec un carton sobre et un papier mat.

La fierté de l’équipe ? Un ouvrage qui a su rester fidèle aux œuvres des deux artistes. « On retrouve dans le catalogue une compréhension entre les œuvres de Kiefer et de Rodin » détaille Cyril Duchêne. Parmi les retours sur le catalogue, Giovanna Citi-Hebey se rappelle celui d’un des galeristes d’Anselm Kiefer, le soir du vernissage de l’exposition. Le catalogue lui a permis de mieux comprendre Rodin. « Le fait d’avoir choisi la « matière brute » de l’artiste lui a donné une autre vision du sculpteur, notamment dans sa façon d’agencer les formes, proche de celle de Kiefer. » Cette rencontre entre les deux figures, le musée souhaite la partager à la fois avec les connaisseurs d’art mais aussi avec les néophytes désireux de découvrir les univers des deux artistes. « Et ainsi continuer d’assurer notre mission de diffusion culturelle », reprend Cyril Duchêne.

 35€ : un catalogue pour toutes les bourses

Étant le seul musée national à financer la totalité de son budget de fonctionnement, le musée Rodin se doit d’être rentable. « Au moment de la conception du catalogue d’exposition, on ne peut pas s’extraire du modèle du musée autofinancé. » Chaque ouvrage produit par le Musée Rodin « doit être fait avec une matière approfondie qui va toucher le public, lui donner les clés de compréhension d’un artiste et remplir une fonction économique pour générer une recette, puis un bénéfice. », ce qui explique la volonté du musée Rodin de privilégier un partenariat éditorial. Pour l’exprimer simplement, à la différence de la coédition, l’éditeur prend à ses frais l’édition du catalogue. « De plus en plus de lieux culturels s’intéressent à cette forme de collaboration. »

Sur la question centrale du prix, un objectif : mettre le catalogue à la portée de toutes les bourses. « Dès le départ, nous avons déterminé un prix de 35€ pour que le public puisse percevoir son prix comme plus accessible ».  Le partenariat a pris aussi la forme d’échanges sur les relations presse, des visites pour les libraires pour ainsi, dépasser la sphère économique et atteindre des objectifs de rayonnement et de communication. Une stratégie payante, « nous avons même recommandé un stock de catalogues chez Gallimard ! » Si a priori rien ne prédisposait les deux artistes à se réunir, le succès du catalogue Kiefer-Rodin semble mettre tout le monde d’accord.