La politique tarifaire de Culturespaces expliquée par Bruno Monnier
L’inefficacité de la gratuité pour tous appliquée aux musées
Lancez Bruno Monnier sur le sujet de la tarification des expositions et vous obtiendrez un vibrant plaidoyer sur l’inefficacité de la gratuité générale appliquée aux musées. Pour le Président de Culturespaces, les expériences peu concluantes tentées par des villes françaises – il cite Nice et Paris – ont démontré une chose : la gratuité ne permet pas de dynamiser outre mesure la fréquentation des musées. Elle constitue d’abord un effet d’aubaine pour des visiteurs qui étaient prêts à payer.
Pourquoi ? « Parce que ce qui fait venir le public, c’est le contenu et l’expérience offerte par le musée. Pas le fait que la visite soit gratuite ». Bruno Monnier distingue trois catégories de visiteurs culturels. D’abord, les habitués des musées, qui sont prêts à payer si la proposition muséale est alléchante : « Jusqu’à 14 euros pour les grandes expositions parisiennes, qui ont fait venir un public allant bien au-delà du périphérique parisien ». A condition que le billet reste dans une gamme « acceptable », la sensibilité prix de cette première catégorie d’amateurs est faible.
Deuxième catégorie : ceux qui ne mettent jamais les pieds dans un musée. Pour eux, le fait que le musée devienne gratuit n’est pas un signe déterminant. « C’est une question de pratique culturelle : entrer dans un musée ne fait pas partie de leurs habitudes » schématise Bruno Monnier. Si on croisera rarement ces visiteurs dans les couloirs des musées, on pourra les retrouver ailleurs… aux Carrières de Lumière, par exemple. « Aux Carrières de Lumière, nous attirons non seulement les habitués des institutions culturelles – qui représentent environ 50% de nos visiteurs – mais aussi près de 200 000 personnes qui ne vont jamais voir d’expositions. Elles sont là parce que l’expérience artistique est sensorielle, plus qui intellectuelle, forte, émotionnelle, novatrice, spectaculaire… » affirme le Président de Culturespaces. Ce public « muséalement non-averti » accepte onze euros l’entrée pour découvrir les chefs d’œuvres de Klimt ou les gigantesques plafonds de la chapelle Sixtine.
Dernier groupe identifié par Bruno Monnier : les touristes et les étrangers en visite. Là-encore, le prix du billet ne fait pas débat. « Pour eux, la visite culturelle fait partie du voyage. Ils sont prêts à payer pour cette découverte ». Que le musée soit gratuit ou non, les touristes s’y rendront de toute façon s’il figure sur leurs listes de visites.
« Quels que soient les cas de figure, la gratuité n’a qu’un impact très limité » résume Bruno Monnier. Il met en garde contre « l’effet d’aubaine » qu’elle représente pour les habitués et les touristes, susceptible d’amputer les ressources propres des établissements culturels, les rendant plus tributaires de leur organisme de tutelle.
La grille tarifaire, une nécessité sociale
S’il évacue la question de la gratuité pour tous, Bruno Monnier est clair : « l’argent ne doit pas être un frein à la visite ». Sa solution ? La grille tarifaire. « Il est nécessaire de proposer des prix différents aux étudiants, aux chômeurs et aux catégories plus précarisées, qui doivent avoir accès aux musées ». Dans les siens, Culturespaces a notamment mis en place un tarif famille où l’entrée pour le deuxième enfant est gratuite.
Reste la question du billet plein tarif : où mettre le curseur ? « Les prix varient entre neuf euros et quinze euros, en fonction de la qualité du lieu, de la durée de la visite et des pratiques des lieux comparables » indique Bruno Monnier. « J’estime qu’au-delà de dix euros, il existe une sensibilité prix : l’exposition ou la visite proposée doit être exceptionnelle ».
« Un prix peut en cacher un autre »
Encore faut-il savoir ce que recouvre le prix du billet. Exposition temporaire ou visite des collections permanentes ? Le Musée Jacquemart-André et Caumont Centre d’Art ont fait le choix d’un billet donnant accès aux expositions temporaires et à la collection permanente pour simplifier l’offre et la gestion des flux de visiteurs dans deux espaces relativement restreints.
Autre parti-pris de Culturespaces : inclure l’audioguide des collections permanentes et les livrets jeux-découverte pour les enfants dans le prix des billets. « Cela nous semble évident dans la mesure où nous avons pour mission de transmettre et d’expliquer la culture. A l’inverse, beaucoup d’établissements essaient de garder un prix d’entrée d’apparence modérée, mais facturent l’audioguide quatre ou cinq euros et le carnet de jeux pour enfants trois à quatre euros ».
En matière d’exposition, le juste prix n’est décidément pas toujours celui que l’on croit juste.
Étiquettes : Bruno Monnier, Caumont Centre d'Art, Musée Jacquemart-André