« En 20 ans, nous avons vu le numérique envahir la sphère muséale »
Bruno Monnier s’appuie sur le numérique pour présenter au public des chefs-d’œuvre qui quittent rarement les grands musées. Il explique comment les nouvelles technologies transforment la diffusion culturelle.
Ceux qui poussent la porte du 153 boulevard Haussmann, où Culturespaces a son QG, sont accueillis par un hôte de marque. Vasco, le jovial berger noir et blanc, escorte les visiteurs vers le président de Culturespaces.
La transformation digitale est en cours…
Parmi les institutions culturelles que gère cette société privée, le musée Jacquemart-André, que Bruno Monnier observe depuis la fenêtre de son bureau. Le fondateur de Culturespaces témoigne de la transformation digitale en cours dans les musées : « En 20 ans, nous avons vu le numérique envahir la sphère muséale. D’abord avec l’audioguide, devenu multilingue, qui met la visite à la portée de tous. Ensuite avec Internet, qui a transformé la communication des musées et a offert aux visiteurs de nouveaux services de réservation en ligne. Des sites comme TripAdvisor sont devenus des éléments importants dans la prise de décision de la visite ».
Pénurie de chef d’œuvres pour les expositions temporaires
Bruno Monnier a commencé à réfléchir au numérique il y a cinq ans. Il y voyait une réponse à la difficulté croissante d’obtenir des œuvres de grands maîtres, qui allait de pair avec l’explosion des expositions temporaires – et donc des demandes de prêts de chefs d’œuvre – partout dans le monde. « Les coûts liés à ces prêts, comme le transport et l’assurance, deviennent prohibitifs et rares sont les musées qui acceptent de se séparer d’une œuvre pour plus de deux ou trois étapes dans le cadre d’une exposition itinérante » précise-t-il. Il ajoute : « Nombre d’œuvres sont désormais trop fragiles pour être prêtées, ce qui accroît encore la tension sur les œuvres disponibles ».
Les grands maîtres du passé en mode numérique
Avec les nouvelles technologies, Bruno Monnier a retrouvé la possibilité d’exposer les grands maîtres du passé.
Il décrit les œuvres monumentales numérisées et projetées du sol au plafond dans le cadre d’un spectacle mystique par l’Art and Music Immersive Experience (AMIEX), la technologie utilisée par Culturespaces pour ses expositions des Carrières de Lumières, une sorte de grotte gigantesque traitée dans une montagne. « Grâce au numérique, nous mettons en place des expositions d’un nouveau genre, qui peuvent itinérer à l’infini ».
Bruno Monnier raconte son souci de ne pas trahir les œuvres dans les spectacles artistiques d’AMIEX. Culturespaces a confié ses expositions numériques à une équipe de réalisateurs italiens menée par Gianfranco Iannuzi, « un pionnier dans ce domaine ». Gianfranco veille à ce que les effets permis par le numérique ne soient pas « gratuits », mais qu’ils « s’inscrivent dans l’univers pictural des peintres présentés ».
C’est la Chapelle Sixtine rénovée qui est à l’honneur du nouveau spectacle des Carrières de Lumières en 2015, le Vatican ayant accordé à Culturespaces le droit d’utiliser les merveilles de son mythique plafond, récemment restauré et numérisé. « Ce mode d’exposition permet au visiteur de voir des détails auquel il n’a pas accès quand il est dans la Chapelle Sixtine » se réjouit Bruno Monnier.
Il poursuit : « La vraie révolution d’AMIEX a été de sortir le tableau de son cadre, en projetant l’image dans une nouvelle dimension. La technologie permet d’associer une contemplation esthétique à une émotion musicale. L’ensemble crée une sensation très forte pour le visiteur ».
It’s just the beginning
La ferveur de Bruno Monnier quand il parle de ces nouvelles sensations artistiques trouve un écho auprès des visiteurs qui ont fait l’expérience d’AMIEX. « Aux Carrières de Lumières, nous retrouvons les habitués des musées, mais nous voyons arriver un public de jeunes enfants, d’adolescents et d’étudiants pas toujours coutumiers de ces institutions. Ils viennent parce qu’ils s’intéressent au côté novateur et technologique d’AMIEX » indique-t-il.
Il sourit : « Pour nous, AMIEX est l’exposition temporaire du 21ème siècle », et décrit le potentiel mondial d’un nouveau mode d’exposition qui séduit le plus grand nombre. Culturespaces s’apprête ainsi à ouvrir un lieu AMIEX à Paris, dans une ancienne fonderie, et est « en discussion avancée » avec des partenaires italiens. Bruno Monnier a longtemps cherché son site parisien, car « pour raconter quelque chose d’extraordinaire, il faut des lieux qui ont une dimension exceptionnelle et une histoire ». Culturespaces travaille aujourd’hui sur un catalogue d’expositions AMIEX, qu’il proposera sous forme de licences à des sites en France et à l’étranger.
Le Président de Culturespaces voue une admiration amusée à la révolution numérique en cours : « Nous n’en sommes qu’au tout début ; d’autres types d’effets vont arriver dans la sphère culturelle ». Et de citer la 4D et les hologrammes, futurs composants virtuels d’une émotion bien réelle.
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