Brooklyn fait le pont entre l’art et la technologie
Shelley Bernstein a fait du Brooklyn Museum une référence internationale en matière d’innovation. Elle nous parle de son dernier projet, Bloomberg Connects, doublement adoubé par les visiteurs et les experts du Brooklyn Museum.
Shelley Bernstein est une professionnelle reconnue dans les milieux culturels New Yorkais. Vice Director of Digital Engagement & Technology du Brooklyn Museum, elle est des bienheureux « 40 under 40 », distingués pour leurs accomplissements professionnels avant la quarantaine. Ces dernières semaines, Shelley Bernstein les a consacrées au lancement du programme Bloomberg Connects : « Je suis submergée de travail » confie en souriant celle qui s’avoue workaholic.
Bloomberg Connects, le dernier né du Brooklyn Museum
Dernier-né dans la galaxie des projets digitaux du Brooklyn Museum, Bloomberg Connects vise à améliorer « l’expérience globale des visiteurs ». Pour répondre à cet ambitieux objectif, il fallait d’abord comprendre les attentes des visiteurs. Les équipes de Shelley Bernstein s’y sont donc attelées… « Le Brooklyn Museum avait identifié le besoin d’améliorer l’expérience globale des visiteurs. Nous avons organisé des meetings avec des collègues de tous les départements pour discuter en interne de ce que cela impliquait. Nous avons regardé ce que nous faisions bien, et défini des axes d’amélioration » explique Shelley. De ces meetings sont nés des ateliers pilotes, conçus pour tester différentes idées, avec une obsession : comprendre les interactions entre les visiteurs et le personnel du Brooklyn Museum.
Les prémices : des recommandations pour orienter les visiteurs
« Nous nous sommes d’abord intéressés à l’idée de recommandation : nos visiteurs veulent-ils être conseillés sur les œuvres à voir ? » raconte Shelley, revenant sur le premier atelier qui s’est avéré « un échec très utile ». Pour ce pilote, le Brooklyn Museum avait préparé des recommandations qu’il fournissait systématiquement aux visiteurs, en fonction des goûts qu’ils déclaraient. Mais les réponses toutes faites n’ont pas trouvé grâce à leurs yeux. « Si vous dites à nos visiteurs « vous aimez x, on pense que vous aimerez y » et que x et y sont prédéfinis, ils vous demanderont pourquoi » sourit Shelley. « Ils souhaitent des recommandations, mais ils veulent qu’elles soient complètement spontanées et personnelles – le type de conseils que vous obtiendriez au cours d’une discussion ».
Ce que voulaient les visiteurs du Brooklyn Museum, c’était avoir les conseils d’une personne. « Mais nous aurions eu besoin de beaucoup de monde pour couvrir nos quelques 50 000m2 d’exposition ! » plaisante Shelley. Comment faire ? La méthodique Vice Director of Digital Engagement & Technology décrit la prise de conscience progressive que la technologie, si elle ne propose pas de recommandations satisfaisantes pour le public, présente un intérêt : connecter le personnel du musée. « Nous nous sommes dit que si nous arrivions à créer un système centralisé permettant aux visiteurs d’entrer en contact avec nos experts, nous pourrions les rendre omniprésents » raconte-t-elle.
Une question aux experts du Brooklyn Museum ?
C’est ainsi que des iPod touches munis d’iMessage, une fonctionnalité qui permet d’envoyer et de recevoir des messages via le Wi-Fi, furent mis à la disposition du public. A portée de clic, Kevin Stayton, Chief Curator du Brooklyn Museum, recevait les messages et y répondait via un iPad. « Quand on a dit aux participants qu’ils pouvaient utiliser ce dispositif pour poser toutes les questions qu’ils voulaient et qu’on leur répondrait personnellement, ils étaient ravis » se réjouit Shelley. Elle poursuit : « Ils nous ont dit qu’ils pouvaient être actifs pendant la visite et qu’ils prêtaient plus d’attention aux œuvres exposées ».
Autre intérêt de ce dispositif : observer la manière dont les visiteurs s’approprient l’exposition. L’infatigable Shelley en tire deux enseignements : « D’abord, la plupart de nos visiteurs viennent à deux ou en petites groupes, et ils posent leurs questions ensemble : « nous avons remarqué que », ou « nous aimerions savoir ». Ensuite, ils nous questionnent sur les mêmes œuvres ». Doublé gagnant pour le pilote, adoubé par le public et par les experts du musée, qui peuvent affiner leurs notices explicatives grâce aux questions des visiteurs.
“La technologie n’est jamais la raison pour laquelle le public vient au musée”
Le Brooklyn Museum, soutenu par Bloomberg Philanthropies, a donc prévu de lancer l’application ASK en Juin 2015. Mais pour Shelley Bernstein, il s’agit plus que d’un lancement d’appli mobile. En témoigne ce qui attendra les visiteurs dès le lobby du Brooklyn Museum : ils seront accueillis par une équipe dédiée du musée, qui leur montrera comment utiliser l’application. « Nous établissons une relation personnelle, qui se poursuit ensuite via la technologie, mais la présence physique des équipes au début de la visite est essentielle » explique Shelley.
Interrogée sur la transformation majeure introduite par le digital dans les musées, celle qui voit le fait « d’être à l’écoute » comme la qualité principale pour réussir dans son poste nous confie : « Le digital permet aux musées d’être encore plus réactifs vis-à-vis des attentes de leur public, parce que nous pouvons imaginer des réponses plus facilement, grâce aux statistiques et aux données recueillies ».
Après un bref silence, elle reprend : « La technologie n’est jamais la raison pour laquelle le public vient au musée. Elle doit permettre au visiteur de mieux s’imprégner des œuvres – pas des écrans ».
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