Les musées doivent satisfaire tous les appétits
Régaler aussi bien les yeux du public que leurs papilles, un challenge que relèvent à leur manière le Mucem et le Palais de Tokyo, qui dévoilent leurs secrets pour capitaliser sur une offre de restauration cohérente et diversifiée. Décryptage croisé.
Le restaurant, pièce maîtresse d’un musée « vivant »
« Plus qu’un musée, il nous faut être un lieu à vivre, une cité culturelle », analyse Adrien Joly, Responsable du développement des ressources du Mucem. L’idée d’ouvrir un restaurant s’inscrit donc totalement dans la démarche du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée : créer une expérience « à tous points de vue. » Mais comment être sûr de trouver une place dans le cœur des Marseillais, lorsque l’on est considéré, à tort ou à raison, comme un « musée parisien qui s’installe » ? En misant sur une figure locale incontournable ! « Nous avons choisi de confier notre concession au Pape de la cuisine méditerranéenne, triplement étoilé à Marseille, Gérald Passedat », se réjouit Adrien Joly. Ainsi est né le Môle Passedat, avec La Table, restaurant gastronomique, la Cuisine, basée sur le principe de self-service, le Café et le Kiosque de rafraîchissements. Une offre complète et adaptée à tous les budgets.
Loin de la Méditerranée, à deux pas de la Tour Eiffel, ce n’est pas sur une pointure de la gastronomie que le Palais de Tokyo a misée, mais sur une proposition diversifiée, où les restaurants sont des marques à part entière. « Le Palais de Tokyo a été créé dès l’origine avec le restaurant TokyoEat, pour que les visiteurs puissent profiter d’un lieu vivant toute la journée de midi à minuit », rappelle ainsi Christopher Miles, son Directeur Général Délégué. Lorsque le centre de création contemporaine passe de 6 000 à 22 000 m2, en 2012, l’offre est élargie avec l’ouverture d’une « brasserie de luxe » avec également une grande capacité d’accueil. Voici Monsieur Bleu : confié au groupe de gestion de lieux Noctis (également en charge du Yoyo, le club souterrain du Palais de Tokyo), il permet de toucher une clientèle festive, désireuse de surplomber la Seine et capable de débourser un ticket moyen de 50-70 €. La diversification de l’offre s’est poursuivie en 2017, avec la fermeture de TokyoEat et son remplacement par deux espaces au positionnement encore différents : Les Grands Verres se présentent comme un néobistrot doublé d’un bar à cocktail, géré par le Quixotic Project, déjà à l’origine de plusieurs bars à succès à Paris (La Candelaria, Mary Celeste), appréciés des artistes et des amateurs d’art contemporain. De son côté, le Readymade s’intègre parfaitement à l’architecture du Palais et propose une restauration légère (tartes, salades…), dans une approche soucieuse de l’environnement : ici, les tables sont en marc de café recyclé !
Instaurer une relation gagnant-gagnant… sur un emplacement idéal
Si les démarches initiales ont été différentes, le Mucem et le Palais de Tokyo se rejoignent sur la bonne manière de capitaliser sur leurs espaces de restauration. Tout d’abord, ne pas considérer le concessionnaire comme « un simple prestataire », mais bien comme un partenaire à part entière. Une relation gagnant-gagnant, qui peut prendre plusieurs formes. À Marseille, Adrien Joly travaille fréquemment avec les équipes du Môle Passedat pour organiser des nocturnes ou imaginer des déclinaisons gastronomiques des expositions, comme cette offre de tapas « cubistes », inspirée par la dernière exposition Picasso. Sans parler des « 130 évènements d’entreprises organisés chaque année au sein du Mucem, gérés en partie par le Môle Passedat », ajoute Adrien Joly. Et du côté du Palais de Tokyo, ses célèbres vernissages finissent toujours au même endroit : aux Grands Verres, étroitement associés à l’événement, comme à d’autres privatisations d’entreprises (pour la Fashion Week ou la Banque Rothschild, par exemple).
« On ne place pas le concessionnaire dans un placard ! »
Seconde recommandation : « L’emplacement a vraiment son importance, on ne place pas le concessionnaire au fond d’un placard ! », s’exclame Christopher Miles. Choisir un lieu aussi adapté que « stratégique » est indispensable. Au Mucem, c’est même une évidence. La Table gastronomique du Môle Passedat a pris ses quartiers sur le toit du J4, le grand « cube » de Rudy Ricciotti : la vue sur la Méditerranée et le quartier du Panier mérite à elle seule le détour. A Paris, le Palais de Tokyo mise sur sa proximité avec la Seine pour Monsieur Bleu, où les terrasses sur le Parvis du palais offrent une valeur ajoutée non négligeable pour les visiteurs, en plus des performances et des œuvres contemporaines.
Attention toutefois, un bon emplacement ne suffit pas toujours : il faut aussi le mettre en valeur ! « Les directions d’institutions culturelles ne se questionnent pas toujours sur ce qui fait qu’un aménagement maximise la consommation, explique Adrien Joly. Ils doivent bien réfléchir avant de s’engager dans une concession et prévoir si besoin des travaux. Ils donneront ainsi à leur partenaire toutes les cartes pour réussir. »
Surcroît de notoriété et de recettes : un bon assortiment
Dans tous les cas, développer une offre de restauration de qualité s’avère très positif en termes d’image pour les différentes institutions culturelles. Si la notoriété de Gérald Passedat rejaillit naturellement sur le Mucem, le Palais de Tokyo a su trouver sa place parmi les bonnes adresses parisiennes, à l’image des Grands Verres, honorés par le Prix Fooding du Meilleur Décor en 2018.
Plus facile à mesurer, l’offre de restauration pèse aussi de manière substantielle dans le bilan financier : à hauteur de 15 % pour le Palais de Tokyo, sur ses 11,5 millions d’euros de recettes propres. Au Mucem, la redevance du Môle Passedat représente environ 6% des ressources propres de la cité méditerranéenne.
Et bien sûr, pas question d’en rester là ! Adrien Joly entend ainsi optimiser l’activité du Môle Passedat afin d’accroître encore les ressources propres du Mucem, tandis que la nouvelle terrasse des Grands Verres, inaugurée sur le parvis du Palais de Tokyo devrait permettre d’accroître encore le chiffre d’affaires…
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